:: La Loi Du 18
Germinal An 3 ::
Décision de tracer le mètre,
unité fondamentale, sur une règle de platine.
Nomenclature des « mesures républicaines ».
Reprise de la triangulation.
Après
une assez longue période d'arrêt, les « commissaires » chargés des poids et
mesures reprennent leurs travaux vers le milieu de l'an 3. Ils envoient un
rapport au Corps Législatif, qui promulgue alors la loi du 18 germinal an 3
(7 avril 1795), considérée comme un texte fondamentale du système métrique
décimal :
«
Art. 1. L'époque prescrite par le décret du 1er août 1793 pour l'usage
des nouveaux poids et mesures est protégé, quant à la disposition
obligatoire, jusqu'à ce que la convention nationale y ait statué de nouveau
en raison des progrès de la fabrication ; les citoyens sont cependant
invités à donner une preuve de leur attachement en se servant dès à présent
des nouvelles mesures dans leurs calculs et transactions commerciales.
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Art. 2. Il n'y aura qu'un seul étalon des poids et mesures pour toute la
République ; ce sera une règle de platine sur laquelle sera tracé le mètre
qui a été adopté pour l'unité fondamentale de tout le système des mesures.
Cet
étalon sera exécuté avec la plus grande précision, d'après les expériences
et les observations des commissaires chargés de sa détermination, et il sera
déposé près du corps législatif, ainsi que le procès-verbal des opérations
qui auront servi à le déterminer, afin qu'on puisse les vérifier dans tous
les temps.
«
Art. 3. Il sera envoyé dans chaque chef-lieu de district un modèle
conforme à l'étalon prototype dont il vient d'être parlé, et en outre un
modèle de poids exactement déduit du système des nouvelles mesures. Ces
modèles serviront à la fabrication de toutes les sortes de mesures employées
aux usages des citoyens.
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Art. 4. L'extrême précision qui sera donnée à l'étalon en platine ne
pouvant pas influer sur l'exactitude des mesures usuelles, ces mesures
continueront d'être fabriquées d'après la longueur du mètre adopté par les
décrets antérieurs.
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Art. 5. Les nouvelles mesures seront distinguées dorénavant par le
surnom de républicaines, leur nomenclature est définitivement adoptée comme
suit :
On
appellera Mètre, la mesure de longueur égale à la dix millionième partie de
l'arc du méridien terrestre compris entre le pôle boréal et l'équateur ;
Are,
la mesure de superficie pour les terrains, égale au carré de 10 mètres de
côté ;
Stère,
la mesure destinée particulièrement aux bois de chauffage, et qui sera égale
au mètre cube ;
Litre,
la mesure de capacité, tant pour les liquides que pour les matières sèches,
dont la contenance sera celle du cube de la dixième partie du mètre ;
Gramme,
le poids absolu d'un volume d'eau pure, égal au cube de la centième partie
du mètre et à la température de la glace fondante.
Enfin,
l'unité des monnaies prendra le nom de franc, pour remplacer celui de
livre usité jusqu'aujourd'hui.
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Art. 6. La dixième partie du mètre se nommera décimètre et sa
centième partie centimètre.
On
appellera décamètre une mesure égale à dix mètres : ce qui fournit un
mesure très commode pour l'arpentage.
Hectomètre
signifiera la longueur de cent mètres.
Enfin,
kilomètre et myriamètre seront des longueurs de mille et dix
mille mètres, et désigneront principalement les mesures itinéraires.
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Art. 7. Les dénominations des mesures des autres genres seront
déterminées d'après les mêmes principes que celles de l'article précédent :
Ainsi,
décilitre sera une mesure de capacité dix fois plus petite que le
litre ; centigramme sera la centième partie du poids d'un gramme.
On
dira de même décalitre pour désigner une mesure contenant dix litres;
hectolitre, pour une mesure égale à cent litres : un kilogramme
sera un poids de mille grammes.
On
composera d'une manière analogue les noms de toutes les autres mesures.
Cependant,
lorsqu'on voudra exprimer les dixièmes ou les centièmes du franc, unité des
monnaies, on se servira des mots décime et centime, déjà reçus
en vertu des décrets antérieurs.
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Art. 8. Dans les poids et mesures de capacité, chacune des mesures
décimales de ces deux genres aura son double et sa moitié, afin de donner à
la vente des divers objets toute la commodité que l'on peut désirer. Il y
aura donc le double-litre et le demi-litre, le
double-hectogramme et le demi-hectogramme, et ainsi des autres.
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Art. 9. Pour rendre le remplacement des anciennes mesures plus facile et
moins dispendieux, il sera exécuté par parties et à différentes époques. Ces
époques seront décrétées par la Convention Nationale aussitôt que les
mesures républicaines se trouveront fabriquées en quantités suffisantes, et
que tout ce qui tient à l'exécution de ces changements aura été disposé. Le
nouveau système sera d'abord introduit dans les assignats et monnaies,
ensuite dans les mesures linéaires ou de longueur et progressivement étendu
à toutes les autres
«
Art. 10. Les opérations relatives à la détermination de l'unité des
mesures de longueur et de poids, déduite de la grandeur de la terre,
commencées par l'académie des sciences, et suivies par la commission
temporaires des mesures, seront continuées jusqu'à leur entier achèvement
par des commissaires particuliers, choisis principalement parmi les savants
qui y ont concouru jusqu'à présent. L'administration dite commission
temporaires des poids et des mesures est supprimée.
«
Art. 11. Il sera formé en remplacement une Agence Temporaire,
composée de trois membres, et qui sera chargée, sous l’autorité de la
commission d’instruction publique, de tout ce qui concerne le renouvellement
des poids et des mesures, sauf les opérations confiées aux commissaires
particuliers dont il est parlé dans l’article précédent.
Les
membres de cette agence seront nommés par la Convention Nationale, sur la
proposition de son comité d’instruction publique. Leur traitement sera réglé
par ce comité en se concertant avec celui des finances.
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Art. 12. Les fonctions principales de l’Agence Temporaire seront :
1. De
rechercher et employer les moyens les plus propres à faciliter la
fabrication des nouveaux poids et mesures pour les usages de tous les
citoyens ;
2. De
pourvoir à la confection et à l’envoi des modèles qui doivent servir à la
vérification des mesures dans chaque district ;
3. De
faire composer et de répandre les instructions convenables pour apprendre à
connaître les nouvelles mesures et leurs rapports avec les anciennes ;
4. De
s'occuper des dispositions qui deviendraient nécessaires pour régler l'usage
des mesures républicaines et de les soumettre au Comité d'instruction
publique, qui en fera rapport à la Convention Nationale ;
5.
D`arrêter les états de dépenses de toutes les opérations qu'exigeront la
détermination et l'établissement des nouvelles mesures, afin que ces
dépenses puissent être acquittées par la Commission d'instruction publique ;
6.
Enfin, de correspondre avec les autorités constituées et les citoyens dans
toute la République, sur tout ce qui sera utile pour hâter le renouvellement
des poids et mesures.
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Art. 13. La fabrication des mesures républicaines sera faite, autant
qu'il sera possible, par des machines, afin de réunir à l'exactitude la
facilité et la célérité dans les procédés, et par conséquent de rendre
l'achat des mesures d'un prix médiocre pour les citoyens.
«
Art. 14. L'Agence Temporaire favorisera la recherche des machines les
plus avantageuses : elle en commandera, s'il en est besoin, aux artistes les
plus habiles, ou les proposera au concours, suivant les circonstances. Elle
pourra aussi accorder des encouragements ou avances, matières ou machines,
aux entrepreneurs qui prendraient des engagements convenables pour quelque
partie importante de la fabrication des nouveaux poids et mesures. Mais,
dans tous ces cas, l'Agence sera tenue de prendre l'autorisation du Comité
d'instruction publique.
«
Art. 15. L'Agence Temporaire déterminera les formes des différentes
sortes de mesures, ainsi que les matières dont elles devront être faites, de
manière que leur usage soit le plus avantageux possible.
«
Art. 16. Il sera gravé sur chacune de ces mesures leur nom particulier ;
elles seront marquées en outre d'un poinçon de la République qui en
garantira l'exactitude.
«
Art. 17. Il y aura à cet effet, dans chaque district, des vérificateurs
chargés de l'apposition du poinçon. La détermination de leur nombre et de
leurs fonctions fera partie des règlements que l'Agence préparera, pour être
ensuite soumis à la Convention Nationale par son Comité d'instruction
publique.
«
Art. 18. Le choix des mesures appropriées à chaque espèce de marchandise
aura lieu de manière que, dans les cas ordinaires, on n'ait pas besoin de
fractions plus petites que le centièmes.
L'agence
recherchera les moyens de remplir cet objet, en s'écartant le moins possible
des usages du commerce.
«
Art. 19. Au lieu des tables des rapports entre les anciennes et les
nouvelles mesures, qui avaient été ordonnées par le décret du 8 mai 1790, il
sera fait des échelles graphiques pour estimer ces rapports sans avoir
besoin d'aucun calcul. L'Agence est chargée de leur donner la forme la plus
avantageuse, d'en indiquer la méthode, et de la répandre autant qu'il sera
nécessaire.
«
Art. 20. Pour faciliter les relations commerciales entre la France et
les nations étrangères, il sera composé, sous la direction de l'Agence, un
ouvrage qui offrira les rapports des mesures françaises avec celles des
principales villes de commerce des autres peuples.
«
Art. 21. Pour subvenir à toutes les dépenses relatives à l'établissement
des nouvelles mesures, ainsi qu'aux avances indispensables pour le succès de
cette opération, il y sera affecté provisoirement un fonds de cinq cent
mille livres, que la Trésorerie nationale tiendra à cet effet à la
disposition de la commission d’instruction publique.
«
Art. 22. La disposition de la loi du 4 frimaire an 2, qui rend
obligatoire l'usage de la division décimale du jour et de ses parties, est
suspendue indéfiniment.
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Art. 23. Les articles des lois antérieures au présent décret, et qui y
sont contraires, sont abrogés.
«
Art. 24. Aussitôt après la publication du présent décret, toute
fabrication des anciennes mesures est interdite en France, ainsi que toute
importation des mêmes objets venant de l'étranger, à peine de confiscation
et d'une amende du double de la valeur desdits objets.
La
commission des administrations civiles, police et tribunaux, et celle des
revenus nationaux sont chargées de l'exécution du présent article.
«
Art. 25. Dès que l'étalon prototype des mesures de la République aura
été déposé au Corps Législatif par les commissaires chargés de sa
confection, il sera élevé un monument pour le conserver et le garantir de
l’injure du temps.
L'Agence
Temporaire s'occupera d'avance du projet de ce monument destiné à consacrer
de la manière la plus indestructible la création de la République, les
triomphes du peuple français, et l'état d'avancement où les lumières sont
parvenues dans son sein.
«
Art. 26. Le comité d'instruction publique est chargé de prendre tous les
moyens de détail nécessaires pour l'exécution du présent décret et l'entier
renouvellement des poids et mesures dans toute la République.
Il
proposera successivement à la Convention les dispositions législatives qui
devront en dépendre.
«
Art. 27. L'Agence Temporaire rendra compte de ses opérations à la
Commission d'instruction publique et au comité de ce nom avec lequel elle
pourra correspondre directement pour la célérité des opérations.
«
Art. 28. Il est enjoint à toutes les autorités constituées, ainsi qu'aux
fonctionnaires publics, de concourir de tout leur pouvoir à l'opération
importante du renouvellement des poids et mesures. »
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